Le rejet ou le non-amour envers ses enfants : un sujet tabou mais essentiel
L’amour parental est souvent considéré comme instinctif, automatique, évident. Pourtant, dans certaines familles, cet amour n’est pas exprimé, voire totalement absent. Il arrive que des parents n’aiment pas leurs enfants, ou qu’ils les rejettent consciemment ou inconsciemment. Ce phénomène, difficile à entendre et encore plus à reconnaître, a des racines profondes, souvent liées à l’histoire personnelle du parent lui-même, et des conséquences dévastatrices pour l’enfant… et pour le parent.
1. Les origines du rejet parental
a) Des blessures d’enfance non résolues
Beaucoup de parents qui rejettent leurs enfants ont eux-mêmes été des enfants non aimés, négligés ou maltraités. Sans travail thérapeutique ou introspection, la douleur est parfois reproduite inconsciemment. Un parent peut rejeter son enfant parce qu’il devient le miroir de ses propres failles.
Exemple : Une mère ayant subi un abandon dans l’enfance peut, sans s’en rendre compte, maintenir une distance affective avec son bébé, ne parvenant pas à créer du lien.
b) Des grossesses non désirées ou mal vécues
Un enfant non désiré, issu d’un viol, d’un adultère, ou d’une pression familiale peut naître dans un contexte de rejet ou d’ambivalence affective. L’amour ne se construit pas automatiquement, surtout si l’arrivée de l’enfant est associée à une souffrance ou un traumatisme.
c) L’enfant "différent"
Parfois, un parent rejette un enfant qui ne répond pas à ses attentes (genre, comportement, orientation, handicap, etc.). Ce rejet peut être subtil ou manifeste, mais l’enfant sent qu’il n’est pas accepté tel qu’il est.
2. Les formes du rejet parental
Le rejet ne s’exprime pas toujours par des violences. Il peut être :
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Émotionnel : absence d’affection, de regard, de mots tendres.
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Verbal : critiques constantes, humiliations, comparaisons blessantes.
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Physique : évitement du contact, absence de gestes d’amour.
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Comportemental : négligence, indifférence, désintérêt total pour les besoins affectifs ou matériels de l’enfant.
Exemple : Un père qui ne vient jamais aux réunions scolaires de son fils, ne parle jamais avec lui, mais se montre cordial en société. Ce rejet "froid" est très destructeur.
3. Conséquences sur l’enfant
Le rejet parental engendre une blessure d’abandon ou de rejet, deux des plus profondes blessures de l’être humain. Les enfants concernés peuvent développer :
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Une faible estime de soi : "Je ne mérite pas d’être aimé."
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Une peur de l’abandon chronique
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Des troubles de l’attachement dans leurs relations futures (amicales, amoureuses ou professionnelles)
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Des comportements auto-destructeurs : dépendances, automutilation, isolement.
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Un besoin obsessionnel de plaire ou une soumission excessive.
Exemple : Une jeune femme rejetée par sa mère passe sa vie à chercher l’amour chez des partenaires toxiques, pensant qu’elle doit souffrir pour être aimée.
4. Conséquences sur le parent
Le parent qui rejette son enfant n’en sort pas indemne. Même s’il semble détaché, il vit parfois dans :
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La culpabilité refoulée, qui peut s’exprimer par des accès de colère ou des troubles psychosomatiques.
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Le vide affectif, surtout en vieillissant.
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Une difficulté à comprendre l’éloignement de l’enfant adulte, sans faire le lien avec son comportement passé.
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Un repli sur soi ou une rigidité émotionnelle, comme mécanisme de défense.
5. Peut-on réparer un lien brisé ?
Oui, mais cela demande du courage, de la reconnaissance et du temps. Un parent peut amorcer un changement s’il accepte de se remettre en question. Une thérapie familiale ou individuelle peut aider à déconstruire les schémas hérités et à ouvrir un chemin de réconciliation.
Du côté de l’enfant, il est parfois nécessaire de prendre de la distance pour se reconstruire, avant éventuellement de reconsidérer le lien. Il n’est pas toujours possible ou souhaitable de renouer à tout prix, surtout si le rejet persiste.
En conclusion
Rejeter son enfant ne fait pas de quelqu’un un monstre, mais une personne en souffrance, non soignée, non consciente de ses blessures. Parler de ce sujet, c’est briser le tabou pour éviter que des générations entières ne reproduisent cette douleur. C’est aussi donner de l’espace à la compassion, à la guérison, et au changement.